C’est toujours un défi d’extraire les aspects les plus importants d’une élection le lendemain à chaud, surtout quand il s’agit d’une élection qui rassemble 28 pays et consacre des représentants de près de 200 partis nationaux. Des conclusions peuvent être aisément faites au niveau national mais il est difficile de dégager des tendances communes au niveau européen puisque les résultats de chaque pays dépendent largement de la situation nationale au moment du vote et que les élections européennes sont traditionnellement utilisées en comme un mode d’expression du mécontentement envers le gouvernement national.
Ceci dit, j’identifie deux aspects principaux dans les résultats d’hier.
En 2019 la participation aux élections européennes a été en augmentation pour la première fois depuis leur création

Source des données : Parlement européen, ici pour 2019 et là pour avant
La participation aux élections européennes a augmenté pour la première fois depuis… toujours! Depuis 1979, date des premières élections européennes au suffrage universel direct, la participation au vote baisse à chaque élection du Parlement européen. Pour la passionnée de politique que je suis et l’étudiante en sociologie politique que je fus, il s’agit d’une EVOLUTION MAJEURE puisque depuis mes années étudiantes j’avais accepté (à contre-coeur) la baisse systématique de la participation aux élections européennes comme un fait irrémédiable, sorte de reflet de l’air du temps. Je serais curieuse de lire les analyses de politologues (coucou, vous êtes là?) sur les raisons de cette hausse de participation inédite et importante (+8 points). Est-ce que le Brexit a mis l’Europe au centre des discussions et a donc éveillé l’intérêt des citoyens envers les élections européennes ? Est-ce que cela reflète le désir d’une partie croissante de la population (en particulier les jeunes) de donner priorité à l’environnement ?
Confirmation du déclin du clivage gauche-droite
Le second enseignement principal des résultats d’hier est la confirmation de l’affaiblissement des partis traditionnels de centre droit (conservateurs – PPE) et de centre gauche (socialistes – S&D) au bénéfice des nationalistes, des verts et des libéraux. Ceci confirme les observations des politologues sur le fait que le clivage gauche-droite traditionnel est déstabilisé par d’autres lignes de division, comme l’opposition libéraux vs nationalistes / mondialisation vs fermeture des frontières, ou d’autres priorités comme la protection de l’environnement.
Ceci étant dit, quels vont être l’impact de ces résultats sur le développement de nouvelles lois européennes ? Bien que les nationalistes du groupe ENL (Le Pen, Salvini et co) aient fait une performance exceptionnelle en gagnant 22 sièges, leur impact devrait rester limité tant qu’ils choisiront de rester à la marge de l’activité législative. De manière structurelle, les lois européennes ne peuvent être approuvées qu’à travers des consensus regroupant plusieurs groupes politiques à la fois, consensus qui sont sources de concessions, concessions qu’ils ne sont en général pas prêts à faire. Par ailleurs, les groupes principaux de droite et de gauche (PPE et S&D) ne pourront plus, à eux seuls, faire passer de lois alors que 74% des votes en 2014-2019 sont passés grace à cette « grande coalition ». Ceci veut dire que des coalitions plus larges devront être trouvées pour adopter de nouvelles lois, notamment avec les libéraux et les verts.
Les résultats d’hier reflètent qu’au niveau européen aussi le système politique est en train d’être réorganisé : l’influence des partis traditionnellement dominants continue de diminuer au bénéfice d’une nouvelle offre politique, ce qui ouvre la voie vers d’autres manières de faire de la politique.
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